Le Bristol Paris

Mar 01, 2011 at 00:00 3826

Histoire et photos de l'hôtel de luxe parisien

Il y a beaucoup d’hôtels de luxe dans la capitale française, mais très peu d’entre eux arrivent à la hauteur de l’hôtel Le Bristol Paris.

“L’hôtel du silence” a été très médiatisé ces dernières années alors que les clients prônent sa discrétion.

L’hôtel cinq étoiles ne se situe d’ailleurs pas à la fin du monde, mais au centre de la mode; rue du Faubourg Saint-Honoré. En face se situe le Palais de l’Elysée où siège depuis 1873 le Président de la République.

Le jardin du Bristol où fleurissent les azalées et rhododendrons au printemps. Photos © Le Bristol Paris.

L’histoire du Bristol Paris

L’histoire du Bristol débute avec la construction de la place de la Concorde en 1758, à l’époque du roi Louis XV. Lorsque le Duc de Noailles vend le terrain sur lequel se trouve le Bristol, il s’agit encore d’un vaste et verdoyant terrain maraîcher. Quelques années plus tard, un entrepreneur y construit un hôtel particulier. La Comtesse de Damas acquiert la propriété puis la lègue à sa fille, alors veuve du Comte Charles de Vogüé,

En 1829, l’Hôtel de Vogüé est vendu au Comte Jules de Castellane, un mécène de l’art dramatique qui fait construire son propre théâtre privé (jusqu’en janvier 2011 le restaurant d’hiver du Bristol). Le Comte de Castellane était une figure emblématique du Second Empire. L’excentrique propriétaire était connu pour ses fêtes mondaines. Son palais était un haut lieu de l’élégante société.

Hippolyte Jammet (*1893) est le fils des propriétaires du célèbre restaurant “Le boeuf à la  mode”. Son oncle Michel travaille comme chef de cuisine pour le vice-roi d’Irlande.

Hippolyte apprend le métier d’hôtelier d’abord dans le grand hôtel le plus ancien de Paris, le Meurice, fondé en 1817, puis au fameux Hotel Adlon à Berlin.

Après une interlude à l’Hôtel Bellevue, acquis après la Première Guerre Mondiale, mais revendu après deux ans parce qu’il ne correspondait pas à son rêve d’un hôtel dans le style de l’Adlon, Hippolyte achète en 1923 l’hôtel particulier du Comte de Castellane, laissé à l’abandon depuis quelques années.


Le Bristol est riche en meubles d’époque, d’une exceptionnelle collection de tapisseries des Gobelins et de Lille ainsi que de toiles de Maîtres dont bon nombre proviennent d’une vente aux enchères des réserves du Musée du Louvre. Les tissus sont signés des créateurs les plus prestigieux: Frey, Nobilis, Rubelli, etc. Les gravures et tableaux sont d’époque, les copies n’ayant pas droit d’entrée au Bristol. Photos © Sordello / Le Bristol Paris.

En 1925, au milieu des Années folles, l’hôtel réouvre ses portes sous le nom Le Bristol. La façade et les détails de l’intérieur respirent l’Art Déco; plus tard, les styles Louis XV et Louis XVI domineront.

L’hôtel est d’abord géré par François Jammet, le père d’Hippolyte. Le fils travaille comme directeur général et c’est également lui qui choisit l’architecte Urbain Cassan, qui s’est distingué avec la construction de bâtiments modernes pour la Compagnie des chemins de fer du Nord. La façade est faite d’un calcaire dure qui repousse la poussière et la boue. Les poutres en acier utilisées par Cassan sont idéal pour un hôtel.

L’hôtel est nommé en hommage au Comte de Bristol (1730-1803), grand voyageur britannique épris de luxe et célèbre pour ses exigences en matière de confort.

Hippolyte Jammet pense, comme beaucoup de ses concitoyens, que la crise boursière partant de la bourse de New York de 1929 ne le touchera pas. Il dépense son argent sans compter pour embellir son hôtel. En 1931, la Grande Dépression arrive en France et frappe durement l’hôtellerie de luxe. Le Majestic ferme définitivement ses portes et le propriétaire du Plaza Athénée non seulement fait faillite, mais finit par se suicider.

Le Bristol reste plutôt vide. Cependant, il peut se vanter d’une climatisation ultramoderne de la compagnie Carrier de Londres qui fonctionne avec du gaz ammoniaque, permettant non seulement de régler le chaud et le froid, mais également le sec et l’humide. Dans une brochure de 1930, l’hôtel était fier d’annoncer que le Bristol était: “The only hotel with manufactured weather in the public rooms.”

Hippolyte Jammet est un grand inventeur. Il invente notamment le “microphare”, un miroir grossissant qui se laisse tourner dans toutes les directions et qui intègre une ampoule. En 1934, il devient standard au Bristol et ensuite dans les hôtels du monde entier. Mais c’est la compagnie chargée par Hippolyte de créer ce miroir qui s’empresse à faire breveter cette invention ingénieuse…

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Bristol est le seul hôtel parisien équipé d’un abri anti-gaz. Ainsi, il signe un accord avec l’ambassade des Etats-Unis et devient la résidence officielle des ressortissants américains à Paris.

Hippolyte Jammet demande en 1940 à l’ambassadeur américain, William Bullit, quelles mesures de protection il avait prévu pour ses concitoyens. Il répondit qu’il était en négociation avec l’hôtel Crillon, situé à côté de l’ambassade; il s’agissait d’un contrat éventuel de dix millions de Francs français. Hippolyte offre gratuitement les services de son hôtel. Ainsi, Le Bristol sera le seul hôtel de luxe à Paris qui ne sera pas réquisitionné par les Allemands pendant l’occupation de la ville.

La Suite Panoramique de plus de 200m2 avec fitness privé, cuisine équipée, terrasse fleurie et une vue imprenable sur tout Paris. Photos © Guillaume De Laubier / Le Bristol Paris.

Durant le conflit, Hippolyte Jammet protège notamment ceux parmi ses clients, qui aident les persécutés à quitter la France. A partir de 1942, il héberge clandestinement l’architecte juive Lerman qui, depuis sa chambre mystérieusement absente des registres, supervise les travaux d’embellissement du Bristol.

L’hôtel devient la résidence de tous les diplomates qui visitent Paris temporairement. Le Bristol est une sorte de zone neutre. Anne Morgan, la fille du banquier le plus puissant de l’époque, John Pierpont Morgan, réside de 1940 jusqu’au 7 décembre 1941 au Bristol. Elle héberge toujours pour une à deux nuits des juifs qu’elle fait fuir d’Europe par Lisbonne pour New York. Ces voyageurs ne figurent évidemment pas dans le registre de l’hôtel.

Le chef de protocole de l’Ambassade allemande, Fritz Bodo, impose un régime dure au Bristol et humilie régulièrement en public le pauvre Hippolyte Jammet. A la fin des hostilités, on découvre que Fitz Bodo a été un des informateurs les plus précieux des services secrets français à Paris. Après la guerre, la fille du diplomate allemand travaillera comme secrétaire de direction au Bristol.

La comédienne Cécile Sorel offre un spectacle d’un tout autre registre. Durant la guerre, elle se fait masser avant chaque représentation, étendue toute nue sur son lit, avec la fenêtre ouverte, ce qui ne reste pas un secret et attire des visiteurs curieux dans les chambres d’en face.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le Bristol, intact, est choisi comme résidence par le ministère des Affaires étrangères pour les ambassadeurs et autres diplomates accrédités à Paris, ce qui crée des envieux; voilà pourquoi Le Bristol doit patienter jusqu’en mai 1949 pour obtenir sa classification officielle de 4 étoiles de luxe (la catégorie du 5 étoile n’existait pas à l’époque).

En novembre 1951, le chancelier allemand Konrad Adenauer vient pour le première fois au Bristol. Il restera fidèle à cet hôtel et tous les chanceliers successifs suivront son exemple.

En 1974, Pierre Jammet, fils et successeur d’Hippolyte, décide de rehausser l’image de la gastronomie dans les restaurants du palace. Il lance le concept d’un menu unique et original, servi lors des “mercredis du Bristol”. L’hôtel reçoit une avalanche de louanges et remporte une année plus tard le prestigieux trophée Kleber Colombes pour sa cuisine.


Photos © Sordello / Le Bristol Paris.

En 1975, Joséphine Baker fête ses cinquante ans de carrière au Bristol lors d’un souper réunissant quelques 250 invités. Ce sera la dernière grande soirée de l’ère Jammet.

En 1978, l’homme d’affaires allemand Rudolf A. Oetker de Bielefeld devient propriétaire du Bristol. Il possède déjà le célèbre Brenners Park-Hotel à Baden-Baden et le Cap Eden Roc à Antibes. Plus tard, il ajoutera le Park Hotel à Viznau et le Château du Domaine Saint-Martin à Vence à sa fabuleuse “Oetker Hotel Collection”.

En 1979, Rudolf A. Oetker agrandit Le Bristol avec la construction d’une nouvelle aile côté jardin, utilisant à cet effet le terrain de l »ancien couvent des Petites Soeurs de la Bonne Espérance acheté par Hippolyte Jammet en 1955. En plus, il construira une piscine sur le dernier étage ainsi qu’un jardin à la française.

En 2007, Le Bristol Paris acquiert l’immeuble mitoyen. Le grand hôtel bénéficie désormais d’une vue imprenable sur l’avenue Matignon. En septembre 2009, aux 161 chambres et suites existantes, Le Bristol ajoute 21 chambres et 5 luxueuses suites ainsi qu’un nouveau restaurant, le 114 Faubourg.
Depuis juillet 2010, cet établissement de grande réputation est dirigé par Didier Le Calvez. Ce dynamique et emblématique président directeur général a auparavant notamment oeuvré au George V à Paris dont le prestigieux group Four Seasons lui avait confié la réouverture en 1999. Sous sa direction, le George V avait sept années de suite été désigné “Meilleur Hôtel du Monde” par Andrew Harper’s Hideaway Report et “Meilleur Hôtel au Monde” par l’Institutional Investor en 2005.

Déjà avant l’arrivée de Didier Le Calvez, Le Bristol Paris fit parti des meilleurs hôtels de luxe. Avec lui, le groupe Oetker veut hisser son palais parisien à un niveau sans égal. A cette fin, la famille Oetker investit quelques cinq millions d’euro chaque année pour maintenir l’hôtel au niveau le plus élevé.

En janvier 2011, j’ai visité le spa du Bristol pour un traitement des mains. La ravissante et compétente Anne Sophie a également su me divertir durant la manucure.

L’hôtel offre d’ailleurs quelques 120 chaînes de télévision, ce qui m’a permis de regarder la défaite de 1:0 du Real Madrid le 30 janvier. Ma Junior Suite 363 dans la nouvelle aile de l’hôtel était impeccable. Toutes les chambres et suites au Bristol sont dotées d’une baignoire et d’une douche séparée. Les salles de bain de la nouvelle aile de l’hôtel sont en marbre blanc de Carrare. Ces chambres sont équipées de téléviseurs Loewe. Une Chambre Supérieure de 35m2 représente déjà un excellent produit. Fin mars 2012, l’hôtel sera entièrement remis à neuf.

Le Bristol Paris est un hôtel de luxe du plus haut niveau avec un restaurant trois fois étoilé au guide Michelin (Eric Frechon).

Lecture conseillée au sujet du Bristol Paris: Pierre Jammert: Le Bristol. Un palace dans son siècle. Hoëbeke, 1998, 137 pp. ISBN. 2842300572. Commandez ce livre chez Amazon.fr. L’auteur, Pierre Jammet, est le fils du fondateur de l’hôtel, Hippolyte Jammet. Né un mois avant l’ouverture du Bristol en 1925 et directeur général de l’hôtel de 1964 à 1978, il connait l’histoire de ce grand hôtel comme personne d’autre. Son livre se distingue par son écriture fluide et ses illustrations riches.


La façade du Bristol. Photos © Le Bristol Paris.


Une salle de bain. Photos © Reto Guntli / Le Bristol Paris.


La Piscine en teck massif. Il représente le gaillard d’un grand voilier des années 1920. A l’horizon de la toile en trompe-l’oeil, on découvre entre les pins et les oliviers l’Hôtel du Cap Eden Roc au Cap d’Antibes qui fait également partie des hôtels du groupe Oetker. Le professeur Pinnau est l’architecte de la piscine. Il a également construit plein de yachts, notamment pour les armateurs Onassis et Niarchos, ce dernier a d’ailleurs été un habitué du Bristol. Photos © Le Bristol Paris.

Le restaurant 114 Faubourg avec le chef Eric Desbordes. Photos © Le Bristol Paris.

Article du 1er mars 2011; dernière mise à jour le 7 mars 2011.